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Diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et des évaluations d'impact

Qu'est-ce que la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme ?

La diligence raisonnable en matière de droits de l'homme est un outil de gestion des risques pour les organisations. C'est le processus que les organisations doivent mettre en œuvre pour identifier, prévenir, atténuer et rendre compte de la manière dont elles abordent les incidences négatives réelles et potentielles sur les droits de l’homme dans leurs propres opérations, leur chaîne d'approvisionnement et leurs autres relations commerciales. La diligence raisonnable a été incluse dans les normes internationales, qui seront examinées et résumées dans le présent outil.

Bien que la plupart des normes internationales utilisent des termes tels que " entreprise " ou " société ", la diligence raisonnable est également pertinente pour d'autres entités couvertes par cette boîte à outils, telles que les organisations non gouvernementales ou les entreprises publiques.

Bien que la diligence raisonnable en tant que telle ne soit pas actuellement une obligation légale pour les organisations, certains de ses éléments sont déjà intégrés dans des cadres juridiques contraignants. Les gouvernements font preuve de diligence raisonnable lorsqu'ils demandent aux organisations de se conformer aux principes juridiques établis dans des domaines relatifs aux droits de l'homme, tel que le droit du travail, la protection de l'environnement et des consommateurs, ou la lutte contre la corruption.

Le Plan d'action national belge (2017) a intégré la diligence raisonnable dans certains de ses points d'action. Le point d'action 15 s'engage à intégrer le principe de diligence raisonnable dans les organes directeurs des organisations belges, y compris en ce qui concerne les droits de l'homme. Il prévoit d'évaluer la possibilité d'inclure des cadres internationaux, tels que les  Principes directeurs de l'OCDE et les Principes directeurs de l’ONU  dans le Code belge de gouvernace d'entreprise.  

Le point d'action 20 vise à promouvoir les entreprises publiques socialement responsables. Une attention particulière sera accordée à la manière dont les entreprises publiques peuvent intégrer et promouvoir le respect des droits de l'homme au sein de leur organisation, grâce à des outils tels que le reporting et la diligence raisonnable. Le point d'action 22 encourage une gestion responsable de la chaîne d'approvisionnement par une approche sectorielle.

Certains États voisins de la Belgique sont allés un peu plus loin en intégrant directement la diligence raisonnable dans leur législation. La loi française sur le devoir de vigilance (2017) (Outil 7 et outil 8) impose aux entreprises multinationales des obligations de diligence raisonnable, pour prévenir les violations des droits de l'homme dans leurs opérations et tout au long de leur chaîne de valeur. La loi britannique sur l'esclavage moderne de 2015 (Outil 7 et outil 8) exige que les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 36 millions de livres sterling rendent compte des mesures qu'elles prennent pour prévenir l'esclavage ou la traite des êtres humains dans leurs chaînes de valeur.

Au niveau de l'UE, le règlement qui établit les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché (2013) interdit l'importation de bois récolté illégalement. Les importateurs sont tenus d'avoir un système de diligence raisonnable qui détermine l'origine du bois. Le règlement de l'UE sur les minéraux de conflit (2017), qui entrera en vigueur à partir de 2021, impose aux importateurs de l'UE de veiller à ce que leurs normes, contrats et accords en matière de politique de chaîne de valeur soient conformes aux Guide de l'OCDE en matière de diligence raisonnable. La directive de l'UE sur l'information non financière (2014)  impose aux grandes sociétés d'intérêt public de publier régulièrement des rapports sur l'impact social, environnemental et sur des droits de l’homme de leurs activités.

Le concept de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme

La diligence raisonnable est le processus que les organisations doivent mettre en œuvre pour identifier, prévenir, atténuer et rendre compte de la manière dont elles traitent les impacts négatifs réels et potentiels dans leurs propres opérations, dans leur chaîne de valeur et avec leurs partenaires. L'objectif de la diligence raisonnable est d'abord et avant tout préventif: les organisations devraient accorder la priorité à la diligence raisonnable afin d'éviter de causer ou de contribuer à des incidences négatives sur les droits de l’homme, l'environnement et la société.

Les Principes directeurs de l’ONU (2011) et les Principes directeurs de l’OECD (2011) ont établi la diligence raisonnable pour les organisations comme l'attente fondamentale d'un comportement responsable, notamment en matière de droits de l’homme.

La diligence raisonnable, en matière de droits de l’homme, partage d'importantes caractéristiques procédurales avec la diligence raisonnable qui est plus familière aux organisations dans le contexte d'audits ou d'enquêtes avant la signature des contrats ou la réalisation des investissements. Néanmoins, la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, telle qu'elle est définie par les Principes directeurs de l’ONU et de l'OCDE, s'intéresse aux impacts sur les personnes et non sur l'organisation, et cherche à identifier, prévenir, atténuer et prendre en compte la manière dont les incidences négatives réelles et potentielles sont traitées.

La diligence raisonnable s'applique à toutes les organisations, mais sa complexité varie en fonction de la taille de l'organisation, des risques et de la gravité des incidences réelles ou potentielles sur les droits de l’homme, ainsi que de la nature et du contexte de ses activités. Par exemple, des précautions accrues sont nécessaires dans des contextes (post-) conflictuels ou fragiles.

Les Principes directeurs de l’ONU donnent des orientations non contraignantes sur la diligence raisonnable et définissent ses paramètres comme suit: " Afin d’identifier leurs incidences sur les droits de l’homme, prévenir ces incidences et en atténuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remédient, les entreprises doivent faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme”.

Selon les Principes directeurs de l’ONU, les six composantes essentielles pour que les organisations puissent assumer leur responsabilité de respecter les droits de l'homme sont:

  1. Un engagement au niveau des politiques afin de s'acquitter de leurs responsabilités en matière de respect des droits de l'homme. Et un processus de diligence raisonnable pour :
  2. Évaluer les incidences réelles et potentielles sur les droits de l’homme
  3. Intégrer les résultats et y donner suite
  4. Faire le suivi de la façon dont les impacts sont cernés, prévenus et pris en compte
  5. Communiquer sur la façon dont l'organisation traite les incidences.
  6. Procéder à la garantie de la réparation de toute incidence négative sur les droits de l’homme causée par l'organisation, ou à laquelle elle y contribue.

L'OCDE a récemment mis au point un guide non contraignant, le Due Diligence Guidance for Responsible Businesses Conduct (2018) avec des recommandations et un soutien pratique qui peuvent être utilisés par n’importe quelle organisation. Le document a été adopté par 48 pays dont la Belgique, qui ont accepté d'appuyer et de suivre sa mise en œuvre. Le Guide fournit un soutien pratique aux organisations pour la mise en œuvre des Principes directeurs de l'OCDE (2011).

Le guide de l'OCDE sur la diligence raisonnable couvre les questions de conduite responsable des entreprises et porte notamment sur les droits de l'homme, l'environnement, les pots-de-vin et la corruption, la divulgation et les intérêts des consommateurs. Les Principes directeurs de l’ONU et ce Guide de l'OCDE peuvent être utilisés dans tous les secteurs de l'économie et par toutes les organisations, quels que soient leur taille, leur situation géographique ou leur position dans la chaîne de valeur. Le Guide de l'OCDE vise à promouvoir une conception commune de la diligence raisonnable. L'OCDE dispose également de lignes directrices sectorielles en matière de diligence raisonnable sur l'approvisionnement en minéraux dans les zones touchées par un conflit et les zones à haut risque , sur le secteur de l'habillement et des chaussures , et sur le secteur financier.

Le processus de diligence raisonnable de l'OCDE comporte six étapes, comparables aux six composantes les Principes directeurs de l’ONU. Bien que les étapes soient présentées dans un certain ordre, le processus de diligence raisonnable dans la pratique est continu, adapté et pas nécessairement séquentiel. Plusieurs étapes peuvent être effectuées simultanément avec des résultats s'alimentant mutuellement. La diligence raisonnable devrait être appliquée avec souplesse et ne devrait pas conduire les organisations à adopter une approche de type " box-ticking.

  1. Intégrer la conduite responsable des affaires dans les politiques et intégrer ces politiques dans les systèmes de gestion et les organismes de surveillance.
  2. Identifier et évaluer les incidences négatives réelles et potentielles associées aux opérations, produits et services de l'organisation.
  3. Cesser, prévenir et atténuer les incidences négatives.
  4. Faire le suivi de la mise en œuvre et des résultats.
  5. Communiquer sur la façon dont les impacts sont pris en compte.
  6. Prévoir des mesures correctives ou collaborer à leur mise en œuvre, s'il y a lieu.

Les étapes seront expliquées en détail dans cet outil.

Études d'impact sur les droits de l’homme

L'évaluation des incidences sur les droits de l'homme est une étape cruciale du processus de diligence raisonnable. Une évaluation des incidences sur les droits de l’homme peut être définie comme un processus permettant à une organisation d'identifier, de comprendre, d'évaluer et de traiter ses risques en matière de droits de l’homme.

Les risques liés aux droits de l'homme sont les incidences négatives que les activités, les services ou les produits d'une organisation peuvent avoir sur les droits de l'homme de divers groupes. Les employés directs constituent toujours un groupe pertinent à cet égard. Les autres parties prenantes potentiellement affectées peuvent inclure les communautés vivant autour des installations, les travailleurs d'autres organisations dans sa chaîne de valeur, les utilisateurs de ses produits ou services, etc. Dans ce processus, les organisations devraient accorder une attention particulière aux droits des personnes, groupes et populations vulnérables ou marginalisés.

Le droit international des droits de l'homme et les lignes directives sont la base et la référence du processus d'identification, en se référant au minimum à la Charte internationale des droits de l'homme et aux conventions fondamentales du travail de l'OIT. Le processus d'évaluation lui-même doit respecter les droits de l'homme en accordant une attention particulière aux principes de la non-discrimination, la participation, la responsabilisation et la transparence. En outre, le processus et le contenu de l'évaluation doivent mettre l'accent sur la responsabilité, notamment en reconnaissant le droit des parties prenantes à faire respecter leurs droits, et les devoirs et responsabilités correspondants de l'organisation à respecter ces droits.

Une fois que tous les risques liés aux droits de l'homme ont été identifiés, les organisations devraient, le cas échéant, hiérarchiser les risques et les incidences les plus importants en fonction de leur gravité et de leur probabilité. L'établissement de priorités sera pertinent lorsqu'il n'est pas possible de traiter immédiatement toutes les incidences négatives potentielles et réelles. Une fois que les risques et les impacts les plus significatifs ont été identifiés et traités, l'organisation doit passer à ceux qui sont moins significatifs.

Cet outil explique comment réaliser une étude d'impact sur les droits de l’homme.